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Message  CC Rider Dim 1 Mai 2016 - 8:24

Je vous propose un peu de lecture avec cet article, oh combien intéressant et détaillé sur le monde de la pop tel qu'il a évolué depuis quelques années dans le domaine des compositions des chansons, des fils tirés et exploités pour en "construire" de nouvelles et accompagner ainsi des développement d'artistes totalement universels, avec des enjeux commerciaux relativement stratosphériques.
Long mais ça vaut la peine car très instructif

Bonne lecture!

La première moitié de 2016 fut riche en péripéties médiatiques sur le front de la musique pop mondialisée. Avec les sorties successives des albums d’Adele, de Rihanna, Kanye West, Beyoncé la semaine dernière et Drake vendredi, c’est un long tunnel de bruit et de fureur que le grand public subit depuis cinq mois, et un parcours du combattant pour ceux qui ne demandent rien d’autre que d’écouter les nouveautés de ces artistes à tête reposée.

Hégémonique, la machine à entertainment ne se contente surtout pas de faire un raffut de tous les diables dans nos vies. Au-delà de l’enchevêtrement de plus en plus inextricable des produits de la pop contemporaine et des opérations marketing colossales mises en œuvre pour faire fructifier leurs intérêts, on remarque surtout qu’elle agit dans un contexte de plus en plus systématique et rationalisé, où plus rien n’est laissé au hasard. Pas même les récupérations des expressions contre-culturelles ou intimes d’artistes, soumis à la fois à des logiques de rendement toujours plus intenses, et à des pactes marketing avec des bailleurs de fonds de plus en plus improbables (de la téléphonie mobile à l’agroalimentaire). A l’instar de la suprématie des blockbusters fondés sur des franchises déclinées à l’infini à Hollywood, nous sommes bel et bien en train de vivre un nouvel âge de la pop, qui détermine jusqu’à la facture des œuvres et au plus profond des expressions des artistes eux-mêmes. Paradoxalement, cette musique la plus visible et partagée au monde n’est pas celle dont les rouages, de plus en plus complexes, sont les plus discernables et transparents. Pour saisir quels mécanismes accouchent désormais de la bande-son majoritaire de notre époque, il faut donc creuser du côté de la fabrication des chansons à gros budget, et de ce mystère qui fait qu’elles continuent à cartonner au mépris de la première loi de la pop, qui dit que personne ne peut contrôler de manière certaine ce qui fait d’un morceau un hit ou pas. Bienvenue dans la machine.

Produits de synthèse
En 1988, les agitateurs Bill Drummond et Jimmy Cauty, qui ne s’appelaient pas encore The KLF, éditaient The Manual, un mode d’emploi expliquant étape par étape la meilleure manière de produire un tube sans trop se compliquer la vie. Zonards de longue date de l’industrie musicale britannique, Drummond et Cauty venaient justement de sortir leur premier hit avec Doctorin’ the Tardis, et proposaient très littéralement aux producteurs de musique en quête de succès d’en faire autant, peu importe leur talent. Quelques années plus tard, The KLF battait tous les records de vente grâce aux singles tirés de son album The White Room, puis se sabordait au pinacle de son succès, transformant la carrière du duo tout entière en un immense canular dont on interroge encore les mystères.

Les paradoxes pervers soulevés avec malice dans The Manual, en revanche, n’ont jamais été aussi clairs et aussi actuels. Claire Boucher alias Grimes, ex-espoir indie devenue égérie d’une pop arty et décomplexée, aurait affiché certaines des «règles d’or de la pop» énoncées dans le livre sur les murs de son studio, comme autant d’injonctions à ne pas perdre de vue ce qui fait le sel, mais aussi la raison d’être de la pop : parler au plus grand nombre à tout prix, au mépris du hasard. Ironie du sort pour cette artiste qui se rêve et s’affiche irréductible à toute étiquette, ces règles n’ont jamais été appliquées avec tant de force et de littéralité qu’en ce début de millénaire. Ce qui ne veut pas dire que la musique pop n’est plus créative.

A bien des égards, les récents efforts de Rihanna, Justin Bieber, Selena Gomez ou bien sûr Beyoncé sont des disques pop denses et complexes, tout à fait dignes d’analyse pour la manière dont ils ramassent diverses innovations (hip-hop, techno, indie) dans des chansons souvent audacieuses par leur forme et leur plastique. Mais au-delà des techniques de marketing de plus en plus élaborées mises en branle pour nous les vendre, Anti de Rihanna, Lemonade de Beyoncé ou Revival de Selena Gomez subjuguent surtout par leur volonté d’embrasser d’un seul geste le plus grand nombre de territoires musicaux et de communautés. Produits de synthèse échafaudés par des armées de producteurs-concepteurs, ils sont les fruits de high concepts scrupuleux, créés avec autant de contraintes commerciales que les blockbusters nouvelle génération conçus dans les laboratoires des grands studios à l’aide d’algorithmes visant à décrypter le goût du public à la moindre de ses interventions sur les réseaux sociaux. Ils sont le résultat d’investissements colossaux également, ce qui explique qu’aucun détail les concernant ne soit laissé de côté.

Les nouveaux tubes sont donc des produits de leur temps : l’industrie musicale n’a jamais laissé aussi peu de place au hasard que dans nos années 2010. Après quelque huit décennies d’existence, et alors que l’on ne cesse de la déclarer agonisante depuis l’avènement du MP3, elle a élaboré des formules à l’efficacité commerciale ahurissante, qui résistent depuis bientôt vingt ans à tous les tressaillements de la mode et à toutes les prédictions d’obsolescence programmée. Les quelques exceptions qui viennent remettre en cause ses fondements ne font que confirmer la règle : dans leur grande majorité, les big hits se fabriquent désormais dans un contexte industriel extrêmement raisonné. Il ne s’agit plus, bien sûr, d’interroger les problématiques éthiques d’une musique spécifiquement conçue pour parler au plus grand nombre - la question du plaisir esthétique de la pop la plus fonctionnelle est réglée du côté de la critique rock depuis l’invention du terme «bubblegum» -, mais, derrière ses techniques et son systématisme, la création artistique sous contraintes commerciales extrêmes semble poser des questions inédites quant à la culture qu’elle façonne.

Peu importe qu’elles soient chantées par un adolescent pubescent, une fille de bigots ou une pseudo-bad girl de la Barbade, les chansons qui caracolent en tête des charts occidentaux sont désormais fabriquées dans les mêmes studios, selon les mêmes formules. Peu importe les genres à la mode dont on les habille, elles ne sont plus guère ambiguës. Composites, simplifiées, elles entrent dans votre tête par tous les moyens connus, prouvés et éprouvés. Surtout, elles sont terriblement prévisibles. Si elles osent encore sortir des clous, c’est presque toujours par l’appropriation ou en référence à quelques tubes sortis des mêmes clous quelque part dans le passé. En d’autres termes, la machine fonctionne à plein régime et sans vaciller, et rien ni personne ne saurait la faire douter.

Processus industriel
Journaliste affilié au New Yorker depuis le début des années 90, auteur de plusieurs best-sellers sur Internet et sur la culture pop, John Seabrook a consacré son dernier livre, The Song Machine : Inside the Hit Factory, aux figures de l’ombre qui œuvrent derrière Taylor Swift ou Rihanna, aux nouvelles techniques de modelage et de conception des chansons et à la révolution culturelle qui se joue derrière cette rationalisation. Ni pourfendeur ni bigot, Seabrook s’est intéressé aux récentes mutations de la musique mainstream parce qu’il considère la pop comme un art très noble. Comme il nous l’a expliqué depuis son appartement new-yorkais, via Skype : «Les chansons sont des constructions culturelles très singulières. Elles ne sont ni des poèmes ni des livres. Gorgées de traditions, elles se tiennent dans un lieu très particulier entre la culture populaire et la culture élitiste. Elles sont un vecteur d’émotion très pur et prennent en charge un langage qui est largement ignoré dans notre vie quotidienne.»

Ceux en charge de canaliser ces émotions auraient donc une lourde responsabilité, qui dépasse amplement l’ambition de dominer le marché. Dans son livre, Seabrook raconte pourtant, anecdote après anecdote, comment cette partie méconnue de la machine à entertainment n’a cessé de se perfectionner et de se rationaliser depuis les fabriques à chansons historiques, le célèbre Brill Building de New York où travaillaient Neil Sedaka ou Burt Bacharach. La différence entre les usines à chansons contemporaines et ces hauts lieux de la musique pop qu’étaient la Motown, le Philadelphia International de Gamble & Huff ou le studio du trio britannique Stock-Aitken-Waterman, est autant artistique qu’industrielle.

«Faire des chansons était autrefois un artisanat parmi d’autres, comme fabriquer une chaise ou un arc, explique John Seabrook. C’est devenu un processus industriel effectué à haut rendement, avec des machines et une main-d’œuvre spécialisée. On n’a plus seulement des compositeurs et des auteurs, mais des personnes préposées aux paroles, aux refrains, aux ponts, aux intros, aux outros… Autrefois, on composait une chanson derrière un piano, qu’on arrangeait et produisait ensuite en studio. Aujourd’hui, on produit d’abord un arrangement autour d’un rythme, puis on cherche des accroches mélodiques, puis une mélodie, enfin des paroles. Le modus operandi est presque à rebours de celui qu’il était autrefois.»

Dictionnaire de rimes
Avec l’appui financier des labels et des tentaculaires agences de management, les nouveaux ingénieurs de la pop ont conçu des méthodes de composition, d’élaboration et de production qui font passer les songwriters d’autrefois, avec leur papier à musique et leurs crayons, pour des vestiges. Dans un chapitre de son livre intitulé «On the Hook», John Seabrook raconte notamment le quotidien d’Ester Dean, interprète de second rang dans le paysage du r’n’b américain, connue dans la profession comme compositrice de quelques-uns des hooks (des «crochets», des fragments mélodiques que l’on retient facilement) les plus remarquables de la pop de ces dernières années : Where Have You Been de Rihanna, Countdown de Beyoncé, Peacock de Katy Perry. A l’instar de l’Australienne Sia Furler, autre «clone vocal» réputé de la profession, qui a fini par réussir à percer en tant qu’interprète après deux décennies de galère, Dean fait partie de ceux qui permettent aux tubes d’entrer dans la tête de l’auditeur, quand bien même il ou elle n’en entend que quelques secondes.

Et pour pondre pareil ver auditif, les clones vocaux ne s’assoient pas derrière un piano : ils improvisent pendant des heures et des heures derrière un micro, sur les ébauches de beats et de morceaux que leur proposent les producteurs qui les emploient. Ce qui explique sans doute pourquoi nombre des hits d’aujourd’hui ont l’air de ne plus dire grand-chose. Il suffit d’écouterBitch Better Have My Money, immense tube de Rihanna dont les paroles ont été improvisées en studio par l’inconnue Bibi Bourelly et dont les mots réduits à l’état d’onomatopées («Louis XIII», «LeBron», «kamikaze») ont l’air de tomber d’un dictionnaire de rimes et d’allitérations : le sens des mots importe bien moins que leur sonorité. De là à considérer que la pop de compétition de notre temps prend ses auditeurs pour des idiots, il y a un pas qu’on ne franchira pas. Il est tout de même significatif que cette musique, trop obnubilée par son rendement, en oublie le fond au point de réduire la langue (anglaise) et ses diverses expressions vernaculaires à une purée de mots générique qui va bien au-delà, en inepties, des prédictions les plus catastrophistes du philosophe musicologue allemand Theodor Adorno : l’avènement dans la musique populaire du baby talk, c’est-à-dire le langage réduit à sa plus simple expression babillante.

«Writing camps»
Autre pratique très onéreuse mais très efficace employée par les maisons de disques, les writing camps invitent des équipes de compositeurs, auteurs, producteurs et ingénieurs du son issus de milieux musicaux très différents à se réunir, à l’abri du monde pendant plusieurs jours, pour joindre leurs efforts autour d’un projet d’album, et pondre ainsi le plus possible de tubes potentiels, avec ou sans l’intervention de la star qui les interprétera. Habitué des projets pharaoniques, Kanye West a conçu la plupart de ses disques en aiguillant des équipes très larges d’artistes plus ou moins célèbres, de concepteurs et de conseillers pour arriver à ce qu’il faut bien appeler des «visions». D’autres interprètes, comme Rihanna ou Taylor Swift, entrent en action dans les dernières étapes du processus et n’influent que sur quelques paroles, inflexions de voix et autres menus détails. Beyoncé, de son côté, est réputée dans la profession pour son stakhanovisme et le nombre considérable de collaborateurs qu’elle sollicite pour travailler à distance sur ses albums. Pour une petite quinzaine de morceaux qui se retrouvent sur un disque comme Lemonade, des dizaines sont développés jusqu’à une forme quasi définitive, pour finalement échouer dans une corbeille virtuelle en attendant une fuite éventuelle sur Internet. Peu importe leur niveau de notoriété : les producteurs approchés n’ont pas leur mot à dire sur le destin final du morceau qu’ils ont produit ou auquel ils ont participé de manière infime ou dans son intégralité.

Ce qu’il faut ensuite souligner, au-delà des différents niveaux d’influence des artistes, c’est à quel point le système dépasse les clivages art-commerce ou mainstream-indie. Grimes, Devonté Hynes ou Caroline Polachek de Chairlift, classés «indie rock» dans les médias et les esprits, ont tous participé à des writing camps avant de se retrouver dans les crédits d’albums de Beyoncé ou de Justin Bieber, sans rien infléchir de l’esthétique des disques auxquels ils ont participé. De même du côté du hip-hop, où la conception collective a depuis longtemps remplacé les coups de génie des grands producteurs-auteurs comme Dr. Dre, les Neptunes ou Teddy Riley. Dans une interview donnée au magazine américain Complex en février, le jeune producteur canadien Sevn Thomas racontait la confection plus ou moins impromptue, collective et industrieuse de Work, premier single d’Anti de Rihanna enregistré dans la maison de Drake à Los Angeles : «En gros, c’était moi, Allen Ritter, Boi-1da, Vinylz, Nineteen85, Illangelo et Mike Zombie. Tous ensemble pendant trois ou quatre jours. Comme une usine à beats.»

Chimères pop
Derrière ces processus de plus en plus complexes et rationalisés, on trouve une manière d’aborder l’art et une philosophie née il y a un peu plus de vingt ans en Suède. Cette patrie pop sous-estimée, qui a vu la création des aberrations Europe, Roxette et Abba, n’en finit plus d’exporter ses producteurs depuis la fondation des studios Cheiron par feu Dag Krister «Dagge» Volle, dit Denniz Pop, et Tom Talomaa en 1993. D’Ace of Base aux Backstreet Boys, de Britney Spears à Céline Dion, un nombre incalculable de tubes internationaux a été conçu collectivement dans ce studio de Stockholm jusqu’à sa fermeture en l’an 2000, deux années après le décès soudain de Volle. Derrière ce succès vertigineux, on trouve beaucoup de savoir-faire, une capacité tout européenne à mêler teen pop blanche et musiques urbaines noires, et une faculté étonnante à la prédictibilité. Comme l’explique dans The Song Machine Savan Kotecha, collaborateur de l’über-producteur Max Martin qui a appris le métier chez Cheiron : «Avec les Suédois, ce qui doit arriver finit toujours par arriver. Un Suédois ne te surprendra jamais, et ses chansons non plus.»

De Max Martin, justement, parlons-en. Né Martin Karl Sandberg et chanteur au sein du groupe glam metal It’s Alive et inventeur du melodic math, technique qui consiste à découper les mots en syllabes pour faire en sorte qu’ils suivent très exactement les notes d’une mélodie, il règne sur l’industrie des hits depuis bientôt vingt ans avec une telle constance que l’on pourrait presque parler de domination. Après avoir fait ses preuves derrière les Backstreet Boys, il a gagné ses galons en composant et coproduisant Baby One More Time, la chanson qui a lancé la carrière de Britney Spears. Dix-sept ans plus tard, en 2015, il a permis à un chanteur de r’n’b branché, The Weeknd, de devenir une superstar et même contribué au 25 d’Adele. Entre les deux, il n’a cessé de se réinventer et d’«upgrader» ses mélanges,passant d’une europop synthétique typique («ABBA with a groove», selon la formule d’un ponte de major) à la teen pop à guitare, jusqu’à l’EDM ou au r’n’b. Il a lancé ou relancé les carrières d’Avril Lavigne, Taylor Swift ou Katy Perry, et formé la plupart de ses concurrents, Shellback ou Lukasz Sebastian «Dr. Luke» Gottwald, Svengali aux mœurs troubles (voir ses déboires juridiques très médiatisés avec la chanteuse Ke$ha) connu pour sa série de hits destinés à Katy Perry ou Rihanna. Miraculeusement, Max Martin a placé plus de chansons dans le top 10 des ventes de singles que quiconque avant lui dans l’histoire de la pop (54, contre 38 pour Madonna et 36 pour Elvis Presley).

Cette success story s’explique par la capacité du Suédois à se renouveler mais aussi, surtout, par ces formes hybrides déracinées de toute tradition - indie rock, r’n’b suave, rock FM héroïque, country délavée - que Seabrook appelle des chimères pop, ou «des corps rock avec des esprits disco». Et derrière ce goût de l’hybridation, il y a du savoir-faire, mais surtout une passion décomplexée pour le succès et l’argent. Le modèle de rémunération, basé sur des répartitions de droits d’auteur de plus en plus complexes et opaques, est varié. Les plus entrepreneurs, comme Dr. Luke ou Max Martin, ont bâti des empires en élargissant leur technique à tous les niveaux de la création. Les producteurs moins confirmés sont souvent obligés de se disputer les miettes de chansons composées à 20 ou 30 mains. Tous, quoi qu’il en soit, ont érigé le succès commercial comme la raison ultime de leur artisanat. Comme l’explique Seabrook : «Tout le monde dans le studio, même le stagiaire, est encouragé à soumettre des idées. Les maîtres d’aujourd’hui sont d’ailleurs les apprentis d’hier. Et Max Martin est le Björn Borg de cette bande de petits génies. L’obsession du succès aide aussi : tout est fait pour réussir. L’art est absolument arbitraire dans tout ça.»

A l’inverse du Brill Building ou de la Motown dont les années de suprématie n’ont pas duré six ans, Max Martin et ses disciples surplombent l’industrie de la pop occidentale depuis plus de deux décennies. Et aucun genre, aucune école, aucun particularisme culturel ne saurait leur résister : l’appât du gain aidant, ce sont les barrières ancestrales entre musique blanche et musique noire qui ont fini par tomber pour de bon aux yeux et au nez d’une société américaine pourtant toujours plus crispée par les questions de racisme. Profitant grassement d’une chaîne de droits plus opaque que jamais, les nouveaux mercenaires de la pop planétaire n’œuvrent pourtant pour aucun progrès social qui vienne remettre en cause leur intérêt. En 2016, le schéma ancestral du svengali masculin contrôlant au doigt et à l’œil des jeunes pop-stars naïves demeure ainsi, si ce n’est la norme, d’une étonnante actualité, quand la parité hommes-femmes dans les studios de production est très loin d’être une réalité. Pire, il reste couramment établi que le rôle des femmes dans la création des tubes est limité à l’écriture, qui n’est rémunérée que si les morceaux sortent effectivement, quand le travail de production, effectué presque exclusivement par des hommes, est payé à l’heure passée en studio. Pour le salut de l’art autant que de ceux qui fabriquent la pop au quotidien, une rédemption possible de l’industrie musicale de masse pourrait consister en un renversement des forces dominantes dans ses usines à tubes.
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Message  bbj Dim 1 Mai 2016 - 9:40

Merci CC pour cet article Hit machine 3641590030
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Message  Kyle William Lun 2 Mai 2016 - 8:17

Effectivement passionnant même si je trouve certains points discutables, notamment quand il assimile "domination commerciale" et "hégémonie culturelle"; régner momentanément sur les charts, (quels que soient les moyens employés, et en l'occurrence ils sont industriels, ce que décrit l'article), ça ne veut pas forcément dire infuser les âmes et contrôler les esprits. On oublie toujours que la personne qui va siffloter un air de Beyoncé en allant du cinéma voir un blockbuster avant de finir sa soirée au mcdo est le plus souvent conscient qu'il passe sa soirée à s'injecter de la merde; il va en tirer un plaisir immédiat, régressif, facilement sucré, mais ça ne va peut-être pas (ou pas encore) résumer toute sa vie.
Ce qui est vraiment inquiétant, je trouve c'est l'uniformisation commerciale et culturelle sur le plan du territoire : ces kilomètres de banlieue, de zones pavillonnaires, qui représentent 80% du territoire habité d'un pays comme la France et dans lesquels on ne trouvera que des chaînes de restaurants proposant les mêmes plats produits par les même filières industrielles agro-alimentaires, que des chaînes de magasins de prêt-à-porter vendant les mêmes vêtements fabriqués dans les mêmes pays du tiers-monde "émergents", que des multiplexes projetant les mêmes "films", issus des mêmes "franchises" et uniquement destinés à des placements de produits, jouets, montres, voitures, smartphones… des pans entiers de territoires dans lesquels, dans le meilleur des cas, la culture disponible s'appelle CULTURA ou FNAC et ne propose que des biens culturels qui se vendent déjà très bien, au mépris total de la diversité et de la création. Là où l'offre se résume à Adèle, Guillaume Musso, Star Wars, Buffalo Grill, Décathlon et Kiabi… là oui, il y a vraiment de quoi flipper.

c'est quoi la source de l'article ?

Kyle William

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Message  CC Rider Lun 2 Mai 2016 - 8:31

c'est quoi la source de l'article ?

Libénext

Kyle William a écrit:On oublie toujours que la personne qui va siffloter un air de Beyoncé en allant du cinéma voir un blockbuster avant de finir sa soirée au mcdo est le plus souvent conscient qu'il passe sa soirée à s'injecter de la merde; il va en tirer un plaisir immédiat, régressif, facilement sucré, mais ça ne va peut-être pas (ou pas encore) résumer toute sa vie.

Surprenante affirmation Kyle...je te trouve très optimiste sur l'état de conscience de la personne en question.
C'est plus une vue de ton esprit qu'une réalité.


Ce qui est vraiment inquiétant, je trouve c'est l'uniformisation commerciale et culturelle sur le plan du territoire : ces kilomètres de banlieue, de zones pavillonnaires, qui représentent 80% du territoire habité d'un pays comme la France et dans lesquels on ne trouvera que des chaînes de restaurants proposant les mêmes plats produits par les même filières industrielles agro-alimentaires, que des chaînes de magasins de prêt-à-porter vendant les mêmes vêtements fabriqués dans les mêmes pays du tiers-monde "émergents", que des multiplexes projetant les mêmes "films", issus des mêmes "franchises" et uniquement destinés à des placements de produits, jouets, montres, voitures, smartphones… des pans entiers de territoires dans lesquels, dans le meilleur des cas, la culture disponible s'appelle CULTURA ou FNAC et ne propose que des biens culturels qui se vendent déjà très bien, au mépris total de la diversité et de la création. Là où l'offre se résume à Adèle, Guillaume Musso, Star Wars, Buffalo Grill, Décathlon et Kiabi… là oui, il y a vraiment de quoi flipper.

L'article ne parle pas d'autre chose que cette façon d'arriver aujourd'hui à calibrer de manière industrielle les goûts des consommateurs, y compris d'oeuvre culturelles, musique, cinéma, comme les fringues ou la bouffe.
Je ne te suis pas sur le distingo que je ne comprend pas trop Hit machine 599112001

Ce que tu décris est une composante de la "mondialisation" des goûts.
La banlieue de Chang Maï est la même que celle de Québec ou La Rochelle, les mêmes enseignes, les mêmes zones commerciales et les gens qui occupent ces endroits consomment de la même manière.


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Message  Kyle William Lun 2 Mai 2016 - 8:48

CC Rider a écrit:
Kyle William a écrit:On oublie toujours que la personne qui va siffloter un air de Beyoncé en allant du cinéma voir un blockbuster avant de finir sa soirée au mcdo est le plus souvent conscient qu'il passe sa soirée à s'injecter de la merde; il va en tirer un plaisir immédiat, régressif, facilement sucré, mais ça ne va peut-être pas (ou pas encore) résumer toute sa vie.

Surprenante affirmation Kyle...je te trouve très optimiste sur l'état de conscience de la personne en question.
C'est plus une vue de ton esprit qu'une réalité.
ouais sans doute tu as raison… je suis toujours optimiste le lundi matin mais heureusement ça ne dure pas…

mais je veux croire qu'il y a un espoir, je vis avec des ados à la maison (c'est drôle dans un premier temps, j'avais écris 'je grandis avec des ados") et sans aucune explication connue à ce jour, j'observe que le recul qu'ils ont par rapport aux produits qu'ils consomment n'est pas le même à 18 ans qu'à 13… et que leur sens critique se développe… après tout moi aussi j'ai grandi dans un environnement qui ne me proposait que des produits formatés, entre mes jouets Mattel et mes dessins animés Goldorak… donc j'imagine (le lundi matin) que quand tu as bouffé du macdo et du blockbuster tous tes samedis soirs pendant 7 ans, tu as de toi-même envie d'essayer autre chose… tout n'est donc peut-être pas perdu… (d'un autre côté, c'est à ce moment-là que le marché va justement te proposer autre chose… de l'indie-pop ? du tofu bio-équitable ? un abonnement aux Inrocks ? une nuit place de la République avec François Ruffin ?) ouais, tout est peut-être foutu en fait…

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